• Je suis retournée cette semaine en France pour la première fois depuis mon Alyah, il y a un an et demi.

    Toute cette colère. Toute cette haine.

    Toute cette ignorance. Toute cette stupidité.

    Tous ces gens qui regardent passivement leur écran de télévision en hochant la tête, sans jamais réfléchir.

    Je suis consternée.

    L'hypocrisie ambiante n'est pas nouvelle, pourtant.

    Je me souviens. Quand les "kamikazes" palestiniens ont commencé à se suicider dans les lieux publics israéliens, il y a quelques années, j'étais ulcérée, déjà. Je n'épilogue pas bien entendu sur le chagrin qu'a pu éveiller en moi, qu'aurait du éveiller en tous, la mort des innocentes victimes de cette sanglante folie, non, je parle d'autres chose, d'un malaise qui est allé grandissant. Moi, le suicide des jeunes me met toujours en colère. Pas vous ?

    Entendons-nous bien. Un adolescent qui se suicide, c'est un drame atroce qui éveille en chaque adulte une culpabilité indicible. Nous ne pouvons pas ne pas nous demander... à quel moment n'avons nous pas entendu son appel ? Et nous nous sentons si coupables face à la jeunesse foudroyée que, par remords rétrospectif, nous cherchons par tous les moyens à sauver les autres, nous déployons des trésors d'ingéniosité en matière de persuasion à l'égard de tous les enfants tristes de notre entourage. Dérisoire, certes, mais tout de même.

    Là, un premier jeune se tue, puis un second, puis des centaines on nous annonce qu'ils sont des milliers à être candidats à la gloire, quelle gloire ?, et personne ne se dresse ? Personne ne crie... Stop !? Mieux. Ce désespoir meurtrier qui n'a aucun sens a ému les bonnes âmes au delà du raisonnable. En Europe, nous avons relayé les informations insensées qui nous étaient fournies et nous avons complaisamment érigé en martyr chaque meurtrier, puisqu'il était jeune, suicidaire et si romantiquement désespéré. Nous faisant par là même des complices de la méthode. A la question que veux-tu devenir plus tard, un élève musulman ne m'a-t-il pas répondu un jour, kamikaze en Palestine ?

    Ah bon, ton projet d'avenir à toi, c'est de mourir ?

    Eclat de rire général dans la classe.

    Mais non, madame, vous n'avez pas compris...

    Oh, mais si, j'ai très bien compris. Les kamikazes palestiniens se suicident, enfin, sont suicidés en entraînant dans la mort le plus de monde possible, juifs, c'est vrai, mais quand même. Donc, en dix secondes, tu deviens tout à la fois, un assassin et un mort. Joli projet.

    Mon petit élève était tout décontenancé.

    Mais madame...

    Tu sais quoi ? Si le jour où quelqu'un essaie de te convaincre que ta vie n'a pas d'importance face à la cause ou face à n'importe quoi, tu l'envoies bouler, alors je n'aurais pas perdu mon temps de professeur.

    Sourire lumineux de l'enfant.

    Je promets, madame.

    Surréaliste.

    Face aux pseudo suicidés de Palestine qui faisaient passer leurs ceintures de bombes en notes de frais à la colombe de la paix locale, a-t-on seulement entendu quelqu'un hurler : Arrêtez, tout de suite ? Non. A-t-on vu quelqu'un descendre dans la rue ? Non.

    Nous, européens, nous sommes contentés de faire semblant de pleurer avec commisération... pas du tout sur les victimes, d'ailleurs, mais exclusivement sur les kamikazes, pauvres gens, s'il le font, c'est qu'ils ont des raisons de le faire. Une espèce de délire compassionnel, une certaine forme de condescendance coupable.

    Aujourd'hui, le Hamas a d'ores et déjà prévenu. Guerre, pas guerre, ils ont 20 000 candidats au suicide prêts à fondre sur la foule juive dès qu'on rouvrira les points de passage... qui avaient d'ailleurs été fermés pour empêcher ce déferlement meurtrier, l'a-t-on oublié ? Et le monde de pleurer, Rouvrez, que les gazaoui soient libres... On n'y avait pas pensé. Evidemment qu'il faut que les gazaoui soient libres. Mais si seulement on pouvait avoir ne serait-ce qu'une petite assurance qu'ils n'utiliseront pas cette "liberté" pour venir tuer nos enfants.. On aurait sûrement moins de réticence à ouvrir, j'en suis persuadée.

    Nous savons à présent en tous cas, pour ceux qui en doutaient encore que les pacifistes du Hamas qui, je l'ai lu dans la gazette de Montpellier, font tant pour l'éducation et la santé dans la région de Gaza, sans rire, un frappé a vraiment écrit ça, nous savons donc que, probablement dans un souci éducatif ou thérapeutique, allez savoir, ils ont gardé au chaud ce désespoir télécommandé, pas spontané pour un sou, qu'ils commanditent et orchestrent. On est rassurés.

    J'ironise, mais je suis en colère. En un mot comme en cent, ces jeunes gens cannonisés post mortem ne sont ni plus ni moins que des bombes humaines. Pour lesquelles le monde n'a pas levé le petit doigt, tétanisés que nous étions par les mots magiques : Suicide. Kamikaze. Désespoir. Martyr.

    Je m'élève de toutes mes forces contre l'utilisation d'une arme aussi non conventionnelle que la faiblesse humaine.



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